Difference between revisions of "Tendances Technologiques/Ludification"

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Latest revision as of 09:06, 14 April 2020


Status Publié
Version originale 8 avril 2020
Mise à jour 9 avril 2020
Publication Officielle Ludification.pdf
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La ludification (gamification en anglais) est le processus qui consiste à exploiter le plaisir inné du jeu en intégrant des principes et des règles ludiques à des environnements non ludiques.[1] L’utilisation d’une mécanique de jeu a pour but d’accroître l’engagement des clients à l’égard d’entreprises non ludiques grâce à des programmes de récompenses, à des suites de succès donnant droit à des statuts ou à des badges, etc. La ludification stimule l’intérêt du client pour le produit ou la marque en favorisant la relation et l’interaction entre les deux.[2]

Cacher la Vue Détaillée


Sommaire opérationnel

Cette méthodologie vise à améliorer le rendement des employés lorsqu’ils exécutent des tâches de travail assorties d’objectifs concrets menant à des succès et à des avantages indirects.[3] Le programme de perfectionnement du leadership de la haute direction de la société Deloitte est un bon exemple de ludification. Au départ, le programme était jugé inintéressant et ennuyeux. Deloitte a donc mis en place un système de succès reposant sur des objectifs, comme des tableaux de classement, des badges et des symboles de statut. Résultat : le programme de perfectionnement ludifié a permis de réduire de moitié le délai d’apprentissage moyen et d’accroître le nombre de réinscriptions de 47%.[4]

Le terme « ludification » (gamification) a été introduit en 2002 par Nick Pelling, qui concevait alors une interface utilisateur dotée de fonctionnalités ludiques.[5] Le terme n’a toutefois été reconnu qu’en 2010.[6] Cette tendance novatrice a émergé de l’évolution de la main d’œuvre, dont la nouvelle génération a grandi en jouant à des jeux vidéo, ainsi que de l’adoption généralisée des médias sociaux et de la technologie mobile.

En 2018, le marché mondial de la ludification a été évalué à 5,5 milliards de dollars américains, et une croissance de 30,31 % était attendue au cours des cinq années suivantes. Cette croissance corrobore le fait que l’industrie reconnaît la ludification comme une méthode d’architecture du comportement humain permettant de provoquer l’innovation, la productivité ou l’engagement. De plus, l’adoption des appareils mobiles a préparé le terrain pour un usage accru de la ludification.[7]

Au départ, on avait recours à la ludification pour faire connaître les marques, pour fidéliser, motiver et mobiliser la clientèle, ainsi que pour enseigner aux employés à accomplir certaines tâches. Dans les dernières années, le processus a évolué et s’applique maintenant aussi à l’accélération des ventes, au suivi des événements et des objectifs, ainsi qu’à l’acquisition de connaissances interfonctionnelles. Voici quelques uns des principaux avantages de la ludification:[8]

  • Améliore la coordination au sein de l’équipe :

    Selon une étude publiée en 2015 dans le Harvard Business Review, 75 % des équipes interfonctionnelles sont dysfonctionnelles, et ce, en grande partie parce que les organisations n’utilisent pas d’approche systématique pour atteindre leurs objectifs, comme respecter les spécifications, prévoir les problèmes dans le budget et répondre aux attentes des clients. La vision de nombreuses organisations ludifiées consiste à former des employés polyvalents et à créer un processus où toute la main d’œuvre dispose d’un noyau de connaissances commun applicable à un vaste éventail de situations.
  • Comble l’écart entre les générations et améliore la communication :

    Le défi du milieu de travail moderne est de créer un environnement qui récompense et encourage la productivité des employés de tous âges et de tous horizons, et ce, malgré les différences entre les moyens de communication et les préférences. Par exemple, la génération Y préfère utiliser des moyens de communication technologiques, tandis que les employés plus âgés préfèrent les échanges en personne. De plus, ils soutiennent qu’ils travailleraient plus fort si leurs efforts étaient mieux reconnus.

Les premières stratégies de ludification consistaient à utiliser des récompenses, comme des points, des badges de succès, des niveaux ou des devises virtuelles pour motiver les joueurs. Ces stratégies avaient pour but de créer une compétition entre les joueurs en augmentant la visibilité des tâches accomplies grâce à des tableaux de classement.

Pour les entreprises, le potentiel d’engagement des clients et de motivation des employés est énorme, mais la plupart des environnements ludifiés n’arrivent pas à intégrer les objectifs opérationnels aux éléments ludiques.

Comme l’expliquait Brian Burke, vice président à la recherche de Gartner : « À l’heure actuelle, la plupart des tentatives de ludification ratent leur cible en raison d’une mauvaise conception, mais une ludification réussie et durable a la capacité de convertir les clients en supporteurs, de rendre le travail amusant ou de faire découvrir la joie d’apprendre. Le potentiel est énorme ».[9]


Sommaire technique

Une multitude de fournisseurs de logiciels de ludification offrent différents types de services pour entreprises, petites entreprises, commerces de détail, services de vente et systèmes de gestion de l’apprentissage.[10]

Entreprises

Les applications de ludification pour entreprises ont la capacité de prendre en charge des milliers de clients et d’employés. Elles conviennent surtout aux grandes entreprises, aux multinationales et aux réseaux de succursales qui veulent accroître l’engagement des utilisateurs.

  • Bunchball Nitro
    • Nitro est la plateforme de ludification infonuagique pour entreprises de Bunchball. Elle est utilisée par des entreprises comme Toyota, T Mobile, Wendy’s, T.RowePrice et Urban Outfitters. Ses principales caractéristiques sont l’intégration facile et souple de l’interface utilisateur, les tableaux de classement, les défis, les récompenses, les badges, l’aperçu des données, la sécurité, l’extensibilité, la segmentation des utilisateurs et l’efficacité de la gestion.[11]
  • Gameffective
    • Gameffective est une plateforme spécialisée dans les ventes, les services, l’apprentissage électronique, l’intégration et la collaboration. Elle est surtout utilisée dans les centres d’appel, les centres de contact, les bureaux de service et les activités qui nécessitent un soutien. Elle s’intègre facilement aux ordinateurs de bureau des utilisateurs, ce qui permet aux administrateurs d’apporter des modifications et de mettre à jour les objectifs, de faire le suivi des progrès, d’accorder des récompenses et de créer des badges.[12] Cette plateforme offre aussi des jeux questionnaires, des simulations, des parcours d’apprentissage et une capacité de stockage pour les documents de référence. Elle permet de transposer le travail dans un environnement ludique, comme une ligue sportive fictive, un jeu télévisé, une compétition, une loterie ou une thématique urbaine pour encourager les équipes à travailler en collaboration. Cette plateforme repose sur les principes du béhaviorisme, de la motivation et de la ludification.[13]
  • Systèmes de gestion de l’apprentissage

    Ces systèmes sont utilisés pour combiner l’apprentissage à des éléments ludiques dans le but d’améliorer l’efficacité de la formation.[14]

  • LearnUpon
    • Ce système d’apprentissage infonuagique est utilisé par les sociétés spécialisées dans la formation ou les logiciels, les associations, les organismes à but non lucratif et les entreprises. Il est indépendant de l’appareil, ce qui signifie que l’interface Web aura la même apparence sur les autres appareils. De plus, toutes les entreprises, grandes ou petites, peuvent adopter cette technologie, qui convient surtout à la formation des employés et des clients, ainsi qu’à l’apprentissage par les réseaux.
  • Axonify
    • Cette plateforme de microapprentissage s’adapte aux besoins de l’organisation. Elle permet de vérifier en continu les aptitudes des employés à effectuer une tâche donnée, d’utiliser l’intelligence artificielle pour entrer les renseignements dont ils ont besoin pour réussir, d’offrir une expérience d’apprentissage amusante, d’accéder à une bibliothèque de contenus et d’utiliser des fonctions d’analytique[15]

contenus et d’utiliser des fonctions d’analytique15. Il n’y a pas qu’une seule marche à suivre pour ludifier un modèle d’entreprise. Toutefois, il ne suffit pas non plus d’ajouter des éléments ludiques à un concept mal ficelé pour le rendre viable.

Plusieurs experts croient qu’il est important d’utiliser un processus fondé sur la populaire conception axée sur l’utilisateur avant d’essayer d’intégrer une mécanique de jeu à un logiciel. La première étape du processus de conception séquentiel consiste à définir les types de joueurs, l’énoncé de mission et les facteurs de motivation pour pouvoir déterminer la mécanique de jeu. Voici une explication détaillée de ces éléments:[16]

Joueurs

Le premier élément à prendre en considération est l’utilisateur, aussi appelé le joueur dans le scénario. Le principal objectif de la ludification est de motiver le joueur à accomplir une tâche. La compréhension de sa motivation est donc essentielle à la réussite de la stratégie de ludification. Les gens jouent à des jeux pour quatre grandes raisons : maîtriser le jeu, évacuer le stress, s’amuser ou socialiser. Beaucoup d’autres facteurs liés à la personnalité et à la vie professionnelle du joueur peuvent aussi donner des indices sur la façon de tirer profit du travail accompli. Richard Bartle, chercheur dans le domaine du jeu, a défini quatre catégories de joueurs en fonction des préférences de jeu. Il est important de noter que ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives, mais que la plupart des joueurs ont une caractéristique dominante.

  • Le socialisateur :

    Ce type de joueur est motivé par l’interaction sociale que lui procure le jeu plutôt que par le jeu lui même. Pour lui, le jeu est une toile de fond pour la création d’interactions sociales significatives et durables. C’est un contexte, un catalyseur, plutôt qu’une fin en soi. On considère que 80 % des joueurs sont des socialisateurs.
  • L’explorateur :

    Ce type de joueur adore découvrir de nouveaux aspects du jeu. Il veut bien passer du temps à faire des tâches répétitives si cela lui permet de découvrir des éléments cachés. Faire part de ses découvertes à ses pairs lui apporte la satisfaction dont il a besoin. On considère que 50 % des joueurs sont des explorateurs.
  • L’accomplisseur :

    Ce type de joueur aime l’aspect compétitif du jeu et cherche à obtenir des points ou à améliorer son statut. En milieu de travail, ce type de personne est le vecteur d’un grand nombre de projets, de services et de marques. Il est difficile de concevoir une application ludifiée exclusivement pour les accomplisseurs, car leur intérêt est susceptible de diminuer s’ils perdent. On considère que 40 % des joueurs sont des accomplisseurs.
  • Le tueur :

    Ce type de joueur aime autant gagner que l’accomplisseur, mais pousse la chose encore plus loin en souhaitant que les autres perdent. Seuls 20 % des joueurs sont des tueurs.


Mission

Le deuxième élément à prendre en considération est la mission

, c’est à dire l’objectif de la stratégie de ludification. La mission détermine les paramètres de succès ou d’échec. Pour créer une mission efficace, il y a trois étapes à suivre :

  • Analyser le scénario actuel : Cette étape comprend l’étude des pratiques de travail actuelles des employés, des clients ou des partenaires. On obtient habituellement ce genre de renseignements en procédant à des observations, à des visites sur place et à des entretiens. Par exemple, on observe que la majorité des gens préfèrent emprunter les escaliers roulants que les escaliers fixes.
  • Déterminer les résultats opérationnels ciblés : De façon générale, le but de cette étape est de déterminer les résultats opérationnels auxquels la direction s’attend de ses employés, de ses clients ou de ses partenaires. On obtient ces renseignements en demandant aux intervenants quel changement comportemental ils aimeraient voir s’opérer dans leur organisation. Par exemple, ils pourraient souhaiter que les gens empruntent les escaliers fixes plus souvent.
  • Définir une mission S.M.A.R.T. : Une fois que l’analyse des scénarios actuel et ciblé est terminée, la mission de la stratégie de ludification peut être définie. L’énoncé de mission devrait être élaboré selon l’approche S.M.A.R.T. (spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporellement défini). Par exemple, au cours des trois prochains mois, augmenter l’utilisation des escaliers fixes de 50 % en suscitant l’intérêt des passagers du métro de manière amusante. C’est ce qui a mené au projet d’escalier piano mis sur pied par Volkswagen en 2009.

Motivation :

Le troisième élément à prendre en considération est le principal aspect de la ludification : la motivation. En psychologie, on distingue deux types de motivation, soit la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. La première provient de l’intérieur de l’individu, comme l’autonomie, la curiosité, l’apprentissage, etc., tandis que la seconde renvoie à un désir externe, comme l’argent, les trophées, etc. Les facteurs de motivation dépendent de ce qui motive les gens et peuvent être utilisés pour concevoir des expériences attrayantes. Voici une courte liste de facteurs de motivation :

  • Collection : La motivation liée au plaisir de collectionner pousse les gens à posséder des collections d’articles à valeur monétaire, symbolique ou sociale. On les incite à compléter l’ensemble.
  • Connexion : La motivation qui découle du plaisir de connecter avec d’autres personnes ou de faire partie d’une communauté encourage les gens à se joindre à des clubs et à vivre des expériences de groupe significatives.
  • Réalisation : La motivation liée à la satisfaction d’atteindre un objectif encourage les gens à faire des efforts et à réussir. Les défis trop difficiles ou trop faciles à relever ne sont pas nécessairement aussi encourageants que ceux qui ont un niveau de difficulté approprié.
  • Extériorisation : En cette ère d’hyper personnalisation, il est possible de personnaliser notre représentation virtuelle. De nombreux joueurs consacrent d’innombrables heures à personnaliser leur avatar, soit l’image qu’ils projettent aux autres.
  • Rétroaction : La rétroaction permet d’obtenir certains renseignements sur le rendement ou les progrès du joueur. Qu’elle soit positive ou négative, elle donne des renseignements sur l’accomplissement des tâches aux fins d’amélioration. L’absence de rétroaction peut être démotivante pour le joueur puisqu’il ignore si ses actions ont une incidence, ce qui rend son expérience moins agréable.

Mécanique

Le dernier élément à prendre en considération est la mécanique de jeu. Il s’agit de l’aspect le plus visible, voire du point central, des projets de ludification. Une ludification réussie repose sur une stratégie bien conçue reflétant une bonne compréhension du joueur, de la mission et de la motivation humaine. La mécanique de jeu regroupe les règles de base qui peuvent être utilisées et combinées pour ludifier n’importe quelle application dont l’objectif est d’offrir une expérience de jeu agréable. Bien utilisées, les règles de jeu qui suivent permettent de tirer profit des facteurs de motivation naturels du joueur :

  • Points : Un environnement ludifié typique comprend un système de points servant à récompenser le joueur pour la réussite de certaines activités. Ce système est conçu pour inciter le joueur à adopter un comportement souhaité ou pour attribuer une valeur aux tâches. Par exemple, le joueur reçoit une plus grande récompense lorsqu’il accomplit une tâche jugée plus importante ou qui nécessite davantage d’efforts. Il existe différents types de points, comme les points d’expérience, les points échangeables, les points de réputation et les points de karma, qui ont tous une fonction différente. Les points font intervenir le facteur de motivation de la collection, puisque le joueur cherche à augmenter le total de ses points, ainsi que celui de la rétroaction, puisque le comportement peut être mesuré.
  • Badges : Une fois qu’un joueur a accumulé un certain nombre de points, il peut recevoir des badges. Les badges sont une représentation symbolique des succès qui peuvent être obtenus dans un environnement ludifié. Ils servent de mesure de renforcement positif et influent sur de nombreux facteurs de motivation : ils indiquent la performance du joueur en donnant de la rétroaction, incitent le joueur à les ajouter à sa collection et exercent une influence sociale sur les autres joueurs.
  • Tableaux de classement : Dans un tableau de classement, les joueurs sont classés en ordre décroissant selon leur rendement, le meilleur au premier rang. Cet élément de jeu met en avant les aspects sociaux et compétitifs des applications ludifiées. Les opinions sur l’efficacité des tableaux de classement divergent. La compétition causée par cette mécanique peut générer une pression sociale qui pousse le joueur à accroître son niveau d’engagement. Toutefois, les joueurs qui se trouvent au bas de la liste peuvent trouver démotivant de savoir qu’ils n’arriveront jamais à battre les joueurs qui trônent au sommet.
  • Histoires significatives : Cet élément de jeu fournit une trame narrative qui donne un sens allant au delà des points et des succès. Une histoire significative qui reflète les intérêts personnels des joueurs peut enrichir un contexte ennuyant et peu stimulant en inspirant et en motivant de manière implicite.
  • Avatars : Un avatar est une représentation virtuelle d’un joueur dans un environnement ludifié. Habituellement, un avatar permet au joueur de s’exprimer sous son identité virtuelle et prend tout son sens lorsque le joueur se joint à une communauté et commence à interagir avec d’autres joueurs réels. Les avatars font intervenir les facteurs de motivation de l’extériorisation et de la connexion.


Utilisation par l’industrie

Les différents types de marchés de la ludification sont les suivants :

  • Marketing ludifié : De nombreuses entreprises profitent de l’utilisation répandue des appareils mobiles pour transformer le traditionnel programme de cartes de fidélité en application mobile propriétaire. Le géant Starbucks en est un bon exemple, lui qui est reconnu pour son service à la clientèle et ses programmes de fidélisation et d’engagement. Après avoir créé un compte dans l’application, les clients obtiennent des étoiles pour chaque achat. Ils peuvent ensuite les échanger contre des boissons ou de la nourriture. Il y a trois niveaux possibles, selon le degré de fidélité de l’utilisateur.[17]
  • Externalisation ludifiée : Ce modèle d’approvisionnement comprend souvent des éléments de jeu, comme des points, des récompenses ou des badges, visant à susciter la participation de l’utilisateur. Par exemple, le jeu Fold.it conçu par l’Université de Washington amenait les joueurs à s’affronter pour créer des structures moléculaires plus efficaces en manipulant des protéines. Les solutions proposées par les utilisateurs se sont avérées meilleures que celles qui avaient été calculées par un algorithme et ont été utilisées dans le cadre de la recherche sur le VIH/SIDA, le cancer et la maladie d’Alzheimer.[18]


Utilisation par le gouvernement du Canada

Il y a peu d’initiatives et de programmes de ludification documentés au sein du gouvernement du Canada (GC), ce qui peut s’expliquer par le fait que le GC doit actuellement composer avec la mise en œuvre des services infonuagiques et que la majorité des ressources et des efforts y sont consacrés, ainsi que par les questions de sécurité entourant la protection des renseignements des Canadiens.

Il faudra donc mener davantage d’entrevues et de recherches auprès des gestionnaires de compte de Services partagés Canada (SPC) et des ministères clients pour déterminer les capacités actuelles et potentielles du GC en matière de ludification.

En 2013, le GC a lancé la vision Objectif 2020 afin de créer une fonction publique moderne qui mobilise les citoyens et les partenaires dans l’intérêt public, qui dispose d’un effectif compétent, confiant et très performant, et qui utilise intelligemment les nouvelles technologies.[19] Selon cette vision, il ne faut pas s’attendre à ce que les fonctionnaires fassent le même travail pendant 20 ans avec le même niveau d’enthousiasme. Le caractère répétitif des fonctions gouvernementales peut devenir démotivant.

La ludification est donc une excellente stratégie puisqu’elle introduit les concepts de motivation et d’engagement.[20]

  • Mobilisation du public : Certains organismes gouvernementaux, comme l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), doivent régulièrement mettre des ressources d’information à la disposition du grand public (p. ex., le Guide canadien d’immunisation destiné aux professionnels de la santé). Au lieu de continuer à créer des ressources qui ne reflètent pas les particularités individuelles, l’ASPC a décidé de faire participer les professionnels de la santé à l’élaboration du guide. D’autres organismes lui ont emboîté le pas en diffusant des jeux questionnaires ou des séries de questions visant à connaître l’opinion du public sur une initiative donnée.[21]
  • Dialogue ouvert : Le département du Travail et des Retraites du gouvernement britannique a mis en place un système de points qui permet aux employés de soumettre leurs idées et de promouvoir celles des autres. Les fonctionnaires peuvent donc investir leurs points DWPeas dans des concepts, peu importe l’étape du processus, puis en gagner ou en perdre selon les idées retenues par leurs supérieurs, comme à la bourse.[22]
  • Éducation et formation: Appliquée à l’apprentissage, la ludification vise à maximiser le plaisir et l’engagement en retenant l’intérêt des apprenants et en leur donnant envie de continuer à apprendre. Selon une étude de Badgeville, 78 % des travailleurs utilisent la motivation ludique au travail, et 91 % d’entre eux considèrent que leur expérience de travail s’en trouve améliorée.[23]
  • Leadership et gestion d’équipe : La société Gamelearn a mis au point un simulateur de leadership et de gestion d’équipe du nom de Pacific. Ce jeu de survie met en scène des personnages échoués sur une île, et le rôle du leader est de coordonner les efforts du groupe pour qu’il arrive à s’échapper. Le joueur obtient des points et des badges lorsqu’il surmonte des difficultés et, tout au long du jeu, améliore ses capacités de leadership, de communication, de délégation, d’encadrement, de résolution de conflit et de motivation au sein d’une équipe. Le jeu Pacific s’adresse à tous les professionnels qui désirent donner un élan à leur carrière ou améliorer leur capacité à gérer des projets.[24]
  • Défense L’armée américaine a conçu un outil de recrutement promotionnel à l’intention des candidats qui souhaitent s’enrôler. Pour savoir s’ils ont l’étoffe d’un soldat, ceux ci n’ont qu’à s’inscrire pour télécharger un jeu gratuit qui leur permet de tester leurs aptitudes dans un environnement de tir stratégique multijoueur. Après avoir créé un profil en ligne à partir de leurs véritables données, les joueurs rejoignent une communauté en ligne et se voient accorder des points et des badges en fonction de leur performance dans le jeu.[25]
  • Lois et règlements : En général, beaucoup d’attention médiatique est accordée aux contrevenants comparativement à la quantité d’encouragements que reçoivent les honnêtes citoyens. En 2010, le Suédois Kevin Richardson a réalisé une expérience qui consistait à récompenser le respect des règles et à punir les contrevenants au moyen d’une loterie par radars photo. Le concept était simple : l’appareil enregistrait la plaque d’immatriculation et la vitesse de tous les véhicules. Ceux qui dépassaient la limite de vitesse recevaient une amende, tandis que ceux qui la respectaient étaient automatiquement inscrits à un tirage donnant la chance de remporter des prix financés par les amendes. Cette expérience aura permis de réduire la vitesse moyenne des véhicules de 32 km/h à 25 km/h.[26]


Répercussions sur Services partagés Canada

Proposition de valeur

La mise en œuvre d’une stratégie de ludification présente des avantages pour un milieu de travail comme celui de Services partagés Canada (SPC). Des recherches ont montré que l’adoption d’une mécanique de jeu a une influence sur la culture, la communication et la gestion du rendement d’une organisation puisqu’elle donne un sens et crée un sentiment de maîtrise. SPC pourrait mettre la ludification à profit dans le cadre de ses activités quotidiennes et à des fins de formation. Voici quelques uns des avantages associés à l’adoption d’un environnement ludifié :

  • Augmentation de la motivation et de l’engagement : La plupart des employés qui possèdent des aptitudes et des talents uniques sont prêts à en faire profiter leur organisation. Mais parfois, la personne manque de motivation, ou ses efforts passent inaperçus et ne sont pas reconnus. La ludification permet de motiver les employés à en faire plus que ce que l’on attend d’eux. Elle provoque ainsi des changements comportementaux, comme l’augmentation de la productivité du joueur, qui éprouve un sentiment d’autonomie dans ses activités.[27]
  • ● Utilisation d’une mécanique de jeu d’accomplissement : Les badges, les points, les niveaux et les tableaux de progression permettent aux utilisateurs de constater leurs progrès et de voir tout ce qu’ils ont accompli. De plus, la division de chaque composant du jeu en niveaux ou en étapes fait en sorte que les utilisateurs ne se sentent pas dépassés par le contenu, tout en stimulant leur désir d’apprendre.[28]
  • Sentiment d’autonomie et de reconnaissance : Bien que le travail ne soit pas volontaire et que la ludification ne soit pas un jeu, le fait de donner aux employés le pouvoir de décider de quelle façon ils veulent utiliser la ludification crée un sentiment d’autonomie et de liberté de choix, ce qui donne encore plus de profondeur et de sens à l’engagement et à la motivation. Des recherches ont montré que le statut au travail est tout aussi important que les rétributions financières. Autrement dit, la ludification est un excellent moyen de distinguer ceux qui réussissent particulièrement bien et ceux qui font des progrès.[29]
  • Acquisition et exercice de compétences données : Les éléments de jeu créent un environnement d’apprentissage informel efficace qui incite les employés à s’investir davantage dans leur expérience, ce qui favorise la rétention des connaissances. Les employés reçoivent une rétroaction instantanée sous forme de points et de tableaux de classement et peuvent ainsi comparer leurs résultats avec ceux obtenus précédemment ou ceux des autres employés.[30]


Défis

Il y a plusieurs façons de rendre la ludification inefficace. Comme on l’a expliqué plus haut, l’utilisation de badges et de points à des fins clairement commerciales n’a rien d’une formule magique qui entraîne automatiquement un changement de comportement positif chez les utilisateurs. Voici quelques problèmes qu’il vaut mieux éviter lorsque l’on veut ajouter des éléments de jeu :

  • Public cible : Une stratégie de ludification peut avoir des effets différents selon le public. La même stratégie ne convient pas à tous, et ce n’est pas parce qu’une stratégie a fonctionné dans un scénario qu’elle fonctionnera nécessairement dans un autre. Par exemple, le personnel des ventes est naturellement compétitif, mais d’autres employés préfèrent un environnement plus collaboratif. Pour concevoir une stratégie de ludification efficace, il faut bien comprendre les objectifs opérationnels.[31]
  • Complexité : La ludification est une entreprise ambitieuse qui nécessite une grande capacité d’empathie et de respect pour le « joueur », une bonne compréhension de la mission et une idée de ce qui motiverait le joueur à accomplir la mission. Ajouter des éléments de jeu génériques sans comprendre ces exigences n’aura aucun effet incitatif et n’entraînera pas de changement positif durable.[32]
  • Adhésion générationnelle : Certains pourraient croire qu’il existe un écart générationnel dans l’adoption de cette méthodologie. Pourtant, des rapports révèlent que la population de joueurs est en fait très diversifiée d’un point de vue générationnel. Selon A.list, la génération Z (de 13 à 17 ans) représenterait 14 % des joueurs mobiles et 27 % de l’ensemble des joueurs. La génération Y (de 18 à 34 ans) représenterait 21 % des joueurs mobiles et 29 % de l’ensemble des joueurs. La génération X (de 35 à 54 ans) représenterait 19 % des joueurs mobiles et 18 % de l’ensemble des joueurs. Finalement, la génération des baby boomers représenterait 26 % de l’ensemble des joueurs.[33]

La ludification pose aussi des dilemmes éthiques dont les employeurs devraient tenir compte avant d’introduire une mécanique de jeu dans les processus du quotidien. Dans l’article More than Just a Game: Ethical Issues in Gamification[34], les auteurs ont établi un cadre utile décrivant les questions d’éthique que soulèvent les environnements ludifiés actuels.


Considérations

Avant de mettre en œuvre une stratégie de ludification, Services partagés Canada (SPC) devrait évaluer les risques suivants :

  • Objet : Les organisations doivent analyser leurs activités opérationnelles afin de déterminer la pertinence de la ludification. De plus, la stratégie de ludification doit refléter les buts et objectifs généraux de manière à créer des expériences significatives aux aspects compétitifs et collaboratifs équilibrés. L’utilisation non motivée de systèmes de points, de badges et de tableaux de classement atténuera l’effet de nouveauté et désintéressera les fonctionnaires, qui cesseront de jouer.[35]
  • Investissement et entretien : La mise en œuvre d’une stratégie de ludification est une entreprise ambitieuse. Il faut du temps, de l’expertise et des ressources pour créer un système efficace de grande qualité complémentaire aux activités de l’organisation. Dans un paysage technologique en constante évolution, le système ludifié doit être à jour, adapté aux dernières tendances et d’allure moderne pour divertir davantage l’utilisateur et stimuler son engagement.[36]

En soi, la ludification est un outil qui sert à motiver les travailleurs, mais ce n’est qu’un outil parmi tant d’autres capables d’arriver aux mêmes fins.

Ceux qui cherchent à motiver leurs effectifs doivent se demander si la ludification est le bon outil à utiliser pour atteindre les objectifs précis qu’ils ont en tête.

Quant aux gestionnaires qui envisagent de mettre en œuvre une stratégie de ludification, ils devraient d’abord se poser les grandes questions suivantes :

  1. La ludification permettrait elle de tirer un avantage indu des travailleurs (p. ex., exploitation)?
  2. Bien utilisée, la ludification du travail peut rendre les tâches répétitives plus amusantes qu’elles ne le semblent habituellement et motiver les travailleurs à être plus productifs. Une question d’éthique se pose lorsque les travailleurs ne sont pas rémunérés équitablement pour la hausse de leur productivité. Dans l’univers de la ludification, les employeurs sont perçus comme les fournisseurs du jeu, et les employés, comme les joueurs. Dans le cas qui nous intéresse, les joueurs ne jouent pas pour obtenir des badges ou des points, mais leur salaire.

    Les employeurs remplissent un rôle unique, car non seulement ils donnent du travail, mais ils récoltent aussi tous les fruits du travail des employés. Dans ce contexte, on parlera d’exploitation si les travailleurs n’obtiennent que des récompenses « ludiques » pour la hausse de leur productivité plutôt qu’une rémunération équitable. Prenons l’exemple d’Amazon, qui a essayé de ludifier les activités de gestion des commandes en entrepôt. Dans les centres de gestion des commandes, les travailleurs doivent empiler et organiser les articles qui seront expédiés. Ils ont alors la possibilité de « jouer » à des jeux d’empilage qui traduisent la productivité réelle en succès virtuels, comme le déplacement d’une voiture de course sur un circuit ou la construction d’un château, entre autres.[37]

    Les objectifs de rendement sont affichés virtuellement, et les employés doivent s’efforcer de les atteindre. Toutefois, ces mêmes objectifs sont déterminés par l’employeur, qui peut les modifier en tout temps à sa seule discrétion. La combinaison de la ludification et de la technologie place l’employeur dans une position de pouvoir unique, où il a la possibilité d’élever le niveau de productivité et de tirer ce « levier » au moment de son choix.

  3. La ludification causerait elle un préjudice intentionnel ou non intentionnel aux travailleurs et aux autres parties touchées?
  4. Par la ludification, il est possible qu’un employeur cause un préjudice (physique ou psychologique) à ses travailleurs en créant un environnement compétitif et des attentes irréalistes en matière de productivité.

    Prenons l’exemple du Disneyland Resort Hotel, en Floride, où une initiative de ludification a eu pour effet de faire craindre les travailleurs pour leur sécurité d’emploi et de les forcer à travailler plus rapidement, ce qui a occasionné davantage de blessures.[38]

    L’hôtel avait créé un système qui permettait de suivre en temps réel le travail accompli par le personnel d’entretien ménager (lessive, nettoyage des chambres, etc.). La direction tenait un tableau de pointage public faisant état de la productivité et du rang de chaque employé. Les machines à laver pouvaient aussi détecter la vitesse de chargement, et une lumière rouge clignotait lorsque l’opération était jugée trop lente. Cette initiative a créé un environnement compétitif et hostile où les travailleurs rivalisaient de vitesse, ne prenant même plus le temps d’aller à la salle de bain, et où les travailleurs handicapés et les femmes enceintes tiraient de l’arrière. Ce rythme rapide, exacerbé par la crainte de ne pas répondre aux attentes, a entraîné une augmentation des blessures chez les travailleurs.


Références

  1. Kumar, J. M., & Herger, M. (2017). Gamification at Work: Designing Engaging Business Software. The Interaction Design Foundation. doi:10.1007/978-3-642-39241-2_58
  2. Gamification. Récupéré de techopedia: https://www.techopedia.com/definition/23489/gamification
  3. Tondello, G. (n.d.) Understanding Gamification Through Goal-Setting Theory Récupéré de hcigames: http://hcigames.com/gamification/understanding-gamification-through-goal-setting-theory/
  4. Examples of Gamification in the Workplace (2018, April 19) Récupéré de racoongang: https://raccoongang.com/blog/examples-gamification-workplace/
  5. Growth Engineering. (2019, August 1). THE BIRTH OF GAMIFICATION (HISTORY OF GAMIFICATION PT.2). Récupéré de growthengineering: https://www.growthengineering.co.uk/the-birth-of-gamification-history-of-gamification-pt-2/
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