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ENTRETIEN AVEC UNE CHAMPIONNE DES LANGUES OFFICIELLES


Rencontrez Linda Savoie, championne des langues officielles à Bibliothèques et Archives Canada.


Madame Savoie, merci d'avoir accepté de prendre part à cet entretien avec le Conseil du Réseau des champions des langues officielles. Tout d'abord, pourriez‑vous nous parler un peu de vous?


Après une douzaine d’années d’exploration (officier dans les forces armées, avocate et gestionnaire au sein d’une compagnie aérienne), le hasard m’a fait bifurquer vers la fonction publique. Depuis quelque 25 années, j’ai donc le plaisir de travailler avec des gens passionnés en plus d’avoir la chance de m’investir dans des dossiers qui me tiennent à cœur, ayant dirigé entre autres des programmes environnementaux (Transports Canada), des initiatives de participation citoyenne (Patrimoine canadien) et d’égalité des sexes (Condition féminine). J’ai finalement abouti il y a cinq ans chez Bibliothèques et Archives Canada à titre de secrétaire-générale, j'ai occupé ce poste jusqu’à tout récemment. Ayant décidé d’accrocher mes patins dans les mois à venir, je suis maintenant le ninja à tout faire de ma sous-ministre, étant responsable de dossiers qui serviront l’institution dans ses efforts de transformation. Et, bien sûr, je continue d’agir comme championne des langues officielles!


Photo de Linda Savoie



Depuis combien de temps êtes-vous championne des langues officielles? Comment ce rôle se manifeste-t-il dans votre quotidien?

 


J’ai demandé à mon sous-ministre de me donner cette responsabilité il y a trois ans. Je voyais une bonne harmonisation avec certaines des responsabilités de mon secteur (recherche et politique, relations avec les intervenants, partenariats et contributions financières aux organismes du patrimoine documentaire) et des occasions d’agir de façon plus active particulièrement du côté des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM). J’estime qu’au minimum, chaque semaine, des occasions d’agir se présentent dans le dossier; que ce soit de sensibiliser les collègues à nos obligations, de créer des occasions de discuter d’insécurité linguistique avec les membres de notre comité consultatif, d'examiner les résultats de rondes de financement ou nos statistiques de traduction ou de faire la promotion de Mauril. Les occasions d’agir sont très nombreuses. Mon objectif est maintenant une intégration réelle et efficace de l’aspect des langues officielles dans tous nos plans stratégiques et opérationnels.


Vous êtes reconnue dans les réseaux archivistiques et de bibliothèques des CLOSM comme étant une championne des langues officielles faisant preuve de leadership exemplaire. Pouvez-vous discuter de votre approche et des initiatives que vous avez mises de l'avant?


Un de mes collègues me dit que notre approche comporte trois angles : stratégique, collaboratif et inspirant. J’aimerais prétendre avoir été si délibérée dans mon approche, mais en réalité, le tout s’est fait de façon beaucoup plus intuitive.


Dès le début, nous avons décidé de nous éloigner d’un modèle d’échange général avec des organisations nationales dont le mandat faisait peu de place au patrimoine documentaire. Après avoir identifié les joueurs locaux les plus actifs ou représentatifs au sein de chaque province et territoire, nous avons invité ceux-ci à participer à un réseau. Leur surprise initiale a rapidement fait place à une mobilisation extraordinaire qui nous a donné des ailes. 

Outre l’établissement de deux réseaux (un de l'archivistique et l’autre des bibliothèques), nous avons mis sur pied à l’interne un comité consultatif avec des représentants de partout dans l’institution pour mettre en œuvre les mesures requises, dont la création d’une lentille LO. Parallèlement, nous avons entrepris une recherche pour bien comprendre comment la mémoire et le patrimoine documentaire peuvent favoriser l’épanouissement des CLOSM, car l’absence de reconnaissance de l’incidence du patrimoine documentaire ne correspondait pas à nos observations ni à celle des membres de nos réseaux qui, chaque jour, étaient témoins de l’importance de son apport à leur collectivité. Cette recherche, validée par un groupe d’experts universitaires, a contribué à créer un sentiment de communauté tant pour BAC que pour les membres des réseaux, et a de plus mené ces derniers à élaborer à leur tour des projets de recherche en lien avec le thème. Le sentiment de faire partie d’une communauté a aussi été renforcé par la diffusion d’un bulletin qui, chaque mois diffuse des renseignements sur les activités des membres et rapporte une sélection d’information (balados, recherches, articles de journaux, etc.) qui touchent notre communauté ou les langues officielles en général.


L’ensemble de ces activités ont inspiré nos membres des deux réseaux à collaborer avec BAC pour tenir une conférence nationale Archives et bibliothèques dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire au printemps 2021. Cette conférence a non seulement permis de discuter des enjeux et d'accroître la collaboration, mais aussi de confirmer l’apport de la mémoire, du patrimoine et de l’histoire dans la vitalité des CLOSM. Le soutien exprimé envers notre travail par Patrimoine canadien, le commissaire aux langues officielles et la ministre Fortier a particulièrement touché les membres de nos réseaux et a inspiré d’autres initiatives, tel un partenariat pour la publication aux Presses de l’Université d’Ottawa d’un volume post-conférence.


Nous osons espérer que notre deuxième recherche, récemment publiée, qui porte sur les cadres politiques et réglementaires, et les programmes en soutien aux bibliothèques des CLOSM entraînera autant de discussions! Ce qui est certain, c’est que le développement d’une communauté, la collaboration étroite avec les membres de nos réseaux et la fierté de faire connaître le rôle des institutions du patrimoine documentaire ont été des facteurs de succès foudroyants.


En terminant, qu'appréciez-vous le plus de votre rôle de championne des langues officielles?


C’est sans le moindre doute l’occasion de travailler et d’échanger avec des gens passionnés par l’enjeu. Ceux qui ont à cœur de créer un climat de bienveillance pour le collègue qui veut s’exprimer dans la langue officielle de son choix, ceux qui veulent partager l’amour de leur langue et ceux qui rendent accessibles les richesses du patrimoine culturel des CLOSM. Mais aussi, les curieux qui veulent comprendre le contexte ou élaborer des concepts qui transforment notre façon de comprendre ce qui nourrit une CLOSM (je parle de toi, Alain Roy, chercheur à BAC qui a été un partenaire indispensable sans qui ces succès n’auraient pas été possibles!).


Madame Savoie, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien. Nos lecteurs seront certainement inspirés par votre approche et votre enthousiasme contagieux!

 

 

 


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